HISTOIRE DU VAMPIRISME

Publié le par GOTHIC

L’AMOUR DU SANG

 

 

Fascination pour le sang dans l'imaginaire collectif

La spécificité du vampire par rapport aux autres créatures surnaturelles de la nuit tient au fait qu'il est un mort vivant obligé d'absorber le sang des êtres vivants pour prolonger indéfiniment son existence .

Le vampire est incontestablement né de fantasmes liés au sang , ce précieux liquide qui symbolise la force vitale et dont la perte par blessure constitue un danger mortel . On peut sans grand risque de se tromper , faire remonter l'origine de ces croyances aux temps les plus reculés de l'humanité .

Sa première trace tangible est un vase préhistorique découvert en Perse et orné d'un dessin : un homme aux prises avec un être monstrueux essayant de lui sucer le sang . Moins ancienne , la tradition de LILITU , entité babylonienne connue pour sucer le sang des enfants , est sans doute moins multimillénaire . Certains auteurs situent enfin les premières légendes relatives aux morts vivants suceurs de sang dans la Chine du VI° siècle avant j-c . Sans aller plus loin dans la précision géographique et chronologique ,

 il est permis de penser que depuis toujours l'homme a peuplé son univers imaginaire d'entités surnaturelles assoiffées de sang . On en trouve des témoignages aussi bien chez les chinois , les indiens ou les maltais que chez les aztèques .

Ces créatures n'en sont pas pour autant des vampires au sens strict du terme , qui sont un produit de la civilisation européenne dont il faut chercher les racines à la fois dans la Grèce antique qui constitue sur le plan culturel le berceau de notre civilisation .

LE SANG ET LA MORT DANS LA MYTHOLOGIE GRECO-LATINE

Les grecs anciens établissaient une sorte de lien mystérieux entre le sang et le mon,de des morts . Dans le livre XI de l'Odyssée , Ulysse sacrifie des moutons dont il recueille la sang pour évoquer les esprits des héros disparus . Le devin Tirésias , puis sa mère et nombre d'autres défunts s'entretiennent avec Ulysse après avoir bu le sang du sacrifice qui leur redonne un moment force et vigueur .
Cette idée a vraisemblablement fait son chemin jusqu'à l'époque chrétienne . La mythologie gréco-latine comporte un grand nombre de divinités sanguinaires , d'apparence féminine comme les Empuses , les Lamies et les Stryges . Empusa , fille d'Hécate , est une créature démoniaque aux pieds de bronze qui peut à volonté se transformer en belle jeune fille pour séduire les hommes pendant leur sommeil . Lamia , fille du roi Belos , pour se venger du meurtre de ses enfants par Héra l'épouse jalouse de Zeus , se métamorphose en monstre qui dévore les enfants ou leur suce le sang . Les Stryges sont des femmes au corps d'oiseau qui sucent le sang des bébés dans leur berceau ou qui épuisent la vitalité des jeunes gens pendant leur sommeil .

Les Lamies , les Empuses et les Stryges , tout comme le vampire de l'époque moderne , sucent le sang de leur victimes endormies . Mais il n'y a sans doutes pas de filiation directe entre ces divinités du monde antique et le vampire de Transylvanie .

On notera la ressemblance du mot Stryge avec Strigoï terme générique qu'emploient les roumains depuis le XVII° siècle pour désigner les vampires . En revanche , contrairement aux vampires de l'époque moderne , les Lamies , les Empuses et les Stryges ne sont pas des mortes vivantes mais des divinités désincarnées capables de prendre une apparence humaine pour séduire les mortels . En cela , elles annoncent les succubes de l'ère chrétienne , démons féminins qui hantent les jeunes hommes pendant leur sommeil et entretiennent avec eux des rapports sexuels pouvant entraîner , par épuisement la perte de la puissance virile et même la mort .

L'équivalent des Lamies dans les récits rabbiniques est un lointain avatar de la LILITU , première femme d'Adam avant la création d'Eve . Répudiée par le premier homme , LILITH est devenue par la suite la reine des démons et des esprits mauvais . Comme les Lamies et les Stryges , elle suce le sang des nourrissons et elle dépouille les jeunes hommes de leur vitalité et de leur puissance virile pendant leur sommeil . Aux yeux des hébreux , LILITH est avant tout coupable de transgresser le tabou absolu de la loi mosaïque qui interdit de consommer le sang des êtres vivants .

Les hébreux ont toujours entretenu une relation complexe avec le sang , considéré à la fois comme symbole de vie et d'impureté . Le sang a un caractère sacré puisqu'il est l'âme du corps et que dieu seul est maître de la vie et de la mort . Le sang est en même temps lié à la malédiction qui a frappé l'humanité lorsque la compagne d'Adam , en cédant à la tentation du démon , a provoqué la chute de l'homme : la perte du sang menstruel est perçue comme une blessure immonde , punition infligée par dieu à toutes les descendantes d'Eve . Dans la tradition hébraïque , le sang menstruel est à l'origine de toutes sortes de malédictions : pendant ses règles , une femme doit s'abstenir de paraître en public , car sa présence peut déclencher des catastrophes et elle ne doit en aucun cas avoir de rapport sexuels pendant cette période car elle est impure . Le sang a donc , pour les hébreux une connotation funeste et la notion de péché est omniprésente .

LE CHRISTIANISME REHABILITE LE SANG

Le nouveau testament enseigne que le christ a sauvé l'homme en versant son sang . Avant de subir le martyre de la croix , le christ a lui-même implicitement souligné la valeur rédemptrice de son précieux sang , sous l'espèce symbolique du vin partagé , lors de la cène , avec ses disciples au même titre que le pain . L'évangile de saint jean insistant sur les vertus génératrices du sang , les premiers pères de l'église doivent lutter contre une interprétation trop littérale de ce repas car elle risque d'encourager le retour à des pratique païennes comme les sacrifices humains ou le cannibalisme rituel .

Charlemagne , pour sa part , qui avait dés 772 entrepris de soumettre les saxons à son autorité et de les convertir au christianisme , édicte en 785 la capitulation de partibus soxioaniae qui contraint les saxons à se faire baptiser et qui punit de mort ceux d'entre eux qui , confondant les croyances païennes et le mystère de la transsubstantiation ( présence réelle de la chair et du sang dans la communion ) se livrent à des festins de chair humaine . En dépit de ces mises en garde et de ces interdits , le sang , dans le monde chrétien médiéval est chargé de pouvoirs surnaturels qui ont été réinvestis par la démonologie , d'où est issue la croyance aux vampires . au XI°siècle , l'idée de la valeur rédemptrice du sang et une interprétation abusive du culte de la vierge marie amènent des sorciers ou des médecins à prescrire de boire le sang immaculé de jeunes filles vierges pour combattre toutes sortes de maladies et retarder les effets de la vieillesse .

 

 

LA VIE APRES LA MORT : LES REVENANTS EN CORPS

L'idée néo-platonicienne d'une vie après la mort constitue un autre apport du christianisme à la croyance aux vampires : le corps , simple enveloppe matérielle , se corrompt , tandis que l'âme continue à vivre dans un autre monde en attendant la résurrection du jugement dernier ; Grâce à la rédemption , l'âme des pécheurs peut être sauvée à condition qu'ils se repentent et surtout qu'ils reçoivent , avant leur mort , les derniers sacrements . Sont donc a priori exclus du salut , tous ceux qui n'ont pas reçu l'extrême onction ou qui n'ont pas été inhumés en terre consacrée , comme les suicidés ou les excommuniés . C'est de là que provient la croyance aux revenants et aux vampires qui , selon la logique chrétienne sont littéralement des âmes en peine car ils n'appartiennent ni au monde d'ici bas ni à l'au delà . La principale différence entre les revenants et les vampires est que les premiers sont des esprits qui n'ont plus d'enveloppe charnelle et qui sont donc inoffensifs , tandis que les seconds sont des corps indûment habités par leur âme revenue du purgatoire , des revenants en corps .

CADAVER SANGUISUGUS

C'est à partir du XI° siècle que commencent à se répandre des rumeurs relatives à des défunts dont le corps est retrouvé intact à l'extérieur de leur tombe . COLLIN DE PLANCY rapporte dans son dictionnaire infernal le récit de l'évêque de Cahors en 1031 , lors du deuxième concile de Limoges , selon lequel le corps d'un chevalier de son diocèse , mort excommunié , avait été retrouvé à plusieurs reprises loin de sa tombe . La notion de morts vivants suceurs de sang , synthèse païennes telles les sagas nordiques , et du christianisme médiéval , vient principalement d'Islande , des pays scandinaves et des îles britanniques où les celtes ont apporté leurs croyances . Dés le XII°siècle en Angleterre , on en trouve les exemples les plus significatifs dans des chroniques rédigées en latin De Nugis Curialium 1193 de Walter Map et l'Historia Regis Anglicarum 1196 de William de Newburgh .

 

Ces deux ouvrages contiennent toutes sortes de récits concernant des défunts , généralement excommuniés , qui sortent chaque nuit de leur tombe pour tourmenter leurs proches ou pour provoquer des morts suspectes en série . En ouvrant leur cercueil , on trouve le cadavre intact et maculé de sang , et le seul moyen de mettre fin au maléfice est de brûler le corps après l'avoir transpercé à l'aide d'une épée . Faute d'un terme spécifique , les chroniqueurs anglais nomment ce type de mort vivant Cadavre sanguisugus . Il s'agit bien ici de vampires . Si les îles britanniques ont été ainsi le théâtre des premières manifestations du vampirisme , le phénomène n'a subsisté que de façon épisodique jusqu'à la renaissance , sans laisser de traces profondes et durables dans l'imaginaire collectif .

EPIDEMIES ET SUPERSTITIONS

Ce n'est qu'au XIV° siècle que le vampirisme devient véritablement endémique et cela principalement en Prusse orientale , en Silésis et en Bohème . Le phénomène qui n'a eu jusque-là qu'un caractère anecdotique , se généralise et l'on constate que ces manifestations spectaculaires de vampirisme coïncident avec les grandes épidémies de peste . Pour éviter la contagion , on se hâte d'enterrer les victimes de la maladie sans même s'assurer de leur mort clinique . Que l'on trouve , quelques jours plus tard , en ouvrant un caveau de famille , des cadavres parfaitement conservés mais maculés de sang , il n'en faut pas plus pour imaginer qu'ils sont devenus vampires , alors que les malheureux ont probablement souffert une longue et atroce agonie dans leur cercueil et se sont infligés des blessures en essayant vainement de se libérer de leur prison de bois . On parlera même plus tard d'auto dévoration comme dans le célèbre De Masticatione Mortuorum in Tumulis Liber (1728) de Michael Ranft

En ce XIV°siècle superstitieux ,la peste a favorisé la croyance aux vampires . En 1343 , à Lauenbrug , par exemple , le baron prussien STEINO DE RETTEN , mort de la peste , est inhumé avec tous les honneurs . Or , les jours suivants , plusieurs témoins l'ayant revu hors de sa tombe , on fait ouvrir la sépulture pour percer la dépouille d'un coup d'épée afin de donner la paix à son âme . De nombreux cas similaires sont rapportés en Bohème à la même époque .

DEUX MONSTRES DU XV°siècle

L'Europe occidentale aux XIV et XV° siècles n'a été affectée que de façon sporadique par les manifestations du vampirisme . En France , cependant , le procès de GILLES DE RAIS , en 1440 , connaît un immense retentissement et , aujourd'hui encore , son nom est associé au vampirisme grâce en particulier à J.K HUYSMANS qui dans Là-bas (1891) , tend à voir en lui un authentique vampire .

Ancien compagnon d'armes de Jeanne d'arc , GILLES DE RAIS ( 1400-1440 ) s'étant retiré dans ses terres de Machecoul et de Tiffauges , s'adonne à l'alchimie , pensant trouver dans le sang le secret de la pierre philosophale . Ces pratiques ayant éveillé en lui des instincts pervers , il fera périr dans d'atroces tortures quelque 300 enfants . Le personnage de GILLES DE RAIS qui correspond plutôt à l'image de l'ogre ou du barbe bleue légendaire , est néanmoins souvent cité comme un vampire historique . Plus emblématique encore que GILLES DE RAIS , VLAD IV ( 1431-1476 ) , voïvode de Valachie , portant le double nom de TEPES ( l'empaleur ) et de DRACULA ( diminutif de Dracul , signifiant le diable ou le dragon ) , est à la fois un héros national roumain qui a courageusement contribué à libérer son pays contre les envahisseurs ottomans et un tyran sanguinaire qu ia fait empaler des milliers de personnes pour son seul plaisir . Les sinistres exploits de VLAD TEPES ont alimenté de nombreuses chroniques de l'époque dont le nom est devenu inséparable du vampire .

 

Publié dans MORSURES DU CREPUSCULE

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